opusoculi
07/09/2011, 18h30
J'ai pu voir au Japon des cimetières anciens. Je repense à celui entre Ueno et Asakusa à Tokyo que j'ai trouvé un peu par hasard un matin d'aout en me laissant conduire par plusieurs alignement de lanternes rouges dont j'ignorais la signification. Je suis entré dans un espace ombragé aux limites imprécises et sans porte ni géométrie pas même un allée, où sur un sol sans herbe mais couvert de mousses se détachaient dans une sorte de désordre plein de goût des pierres manifestement choisies qui me parurent chargées d'intensions. Je réalisais là que je me trouvais dans un cimetière et qui plus est un ancien.
Je n'aime pas les cimetières et ne m'y rend pas volontiers mais celui-là était imprégné de trop d'esthétigue pour ne pas m'intéresser. Cela ressemblait plus à un parc où des petis jardins japonais auraient été au petit bonheur assemblés. Chaque pierre possédait son originalité et certaines portaient des idéogrammes gravés, dont le style me parut recherché; j'imaginais être devant les dernières volontés de lettrés et sans les comprendre je sentis monter une émotion inhabituelle, d'autant qu'une vraie collection d'Erables palmatum ponctuait l'espace de leurs petits airs penchés et dodelinaient leur valeur sure auprès et au dessus des petits rochers mémoriaux. Sous le charme de la topographie de ce lieu sans aucune géométrie ni symétrie , je craquais...
En même temps la scène n'était pas triste du tout, il y avait deux tables revêtues de rouge et des sièges. Des familles japonaises étaient là assises et d'autres sur le sol à même la mousse pique-niquaient sur des nappes de couleur; on parlait fort et on riait des bonnes histoires que certainement on se racontait; les enfants couraient criaient, on les laissait s'amuser et se détendre sans le prendre pour un manque de respect dû aux ancêtres , bien au contraire. J'appris un peu plus tard que les âmes des morts revenaient pour les trois jours du" O-bon" et qu'il est de coutume de fêter leur retour par une danse ,"bon odori', qui les libére de leurs tourments. J'appris aussi que les lanternes que j'avais suivies le matin montraient le chemin aux âmes pour retrouver leurs familles. Le soir même me promenant le long de la Sumida , je vis les mêmes petites lanternes rouges mais sensées cette fois montrer le chemin le long de la rivière vers la mer pour reconduire ces âmes d'où elles venaient.
Je me pris alors , tout en prenant la photographie des compositions d'érables et de pierres les plus remarquables et de quelques unes plus humbles, à penser que cette esthétique concernant le repos des morts était plus enviable que la nôtre et , quant à reposer, autant le faire dans des condition plaisantes, je veux dire à l'ombre, avec de la mousse et surtout un petit Erable qui remue doucement ses feuilles au dessus de notre tête comme s'il la caressait encore; et j'essuyais vite une larme en pensant que ce ne pourrait pas être le cas.
Et si ça se pouvait , alors pour agrémenter la compagnie d'un petit Erable , je choisirais une pierre et y ferais graver ces derniers mots que Jacques Derrida fit prononcer le jour de ses obsèques: "D'où que je sois je vous souris".
google: japon O-bon days/choisir Français
Ma photothèque argentique n'est pas numérisée.
Je n'aime pas les cimetières et ne m'y rend pas volontiers mais celui-là était imprégné de trop d'esthétigue pour ne pas m'intéresser. Cela ressemblait plus à un parc où des petis jardins japonais auraient été au petit bonheur assemblés. Chaque pierre possédait son originalité et certaines portaient des idéogrammes gravés, dont le style me parut recherché; j'imaginais être devant les dernières volontés de lettrés et sans les comprendre je sentis monter une émotion inhabituelle, d'autant qu'une vraie collection d'Erables palmatum ponctuait l'espace de leurs petits airs penchés et dodelinaient leur valeur sure auprès et au dessus des petits rochers mémoriaux. Sous le charme de la topographie de ce lieu sans aucune géométrie ni symétrie , je craquais...
En même temps la scène n'était pas triste du tout, il y avait deux tables revêtues de rouge et des sièges. Des familles japonaises étaient là assises et d'autres sur le sol à même la mousse pique-niquaient sur des nappes de couleur; on parlait fort et on riait des bonnes histoires que certainement on se racontait; les enfants couraient criaient, on les laissait s'amuser et se détendre sans le prendre pour un manque de respect dû aux ancêtres , bien au contraire. J'appris un peu plus tard que les âmes des morts revenaient pour les trois jours du" O-bon" et qu'il est de coutume de fêter leur retour par une danse ,"bon odori', qui les libére de leurs tourments. J'appris aussi que les lanternes que j'avais suivies le matin montraient le chemin aux âmes pour retrouver leurs familles. Le soir même me promenant le long de la Sumida , je vis les mêmes petites lanternes rouges mais sensées cette fois montrer le chemin le long de la rivière vers la mer pour reconduire ces âmes d'où elles venaient.
Je me pris alors , tout en prenant la photographie des compositions d'érables et de pierres les plus remarquables et de quelques unes plus humbles, à penser que cette esthétique concernant le repos des morts était plus enviable que la nôtre et , quant à reposer, autant le faire dans des condition plaisantes, je veux dire à l'ombre, avec de la mousse et surtout un petit Erable qui remue doucement ses feuilles au dessus de notre tête comme s'il la caressait encore; et j'essuyais vite une larme en pensant que ce ne pourrait pas être le cas.
Et si ça se pouvait , alors pour agrémenter la compagnie d'un petit Erable , je choisirais une pierre et y ferais graver ces derniers mots que Jacques Derrida fit prononcer le jour de ses obsèques: "D'où que je sois je vous souris".
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Ma photothèque argentique n'est pas numérisée.